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17 July 2020

La gestion participative à l’épreuve du Coronavirus

Quatre mois après l’annonce du confinement en raison de l’épidémie de coronavirus, quel bilan dresser de cette situation sans précédent sur les entreprises du groupe Terre ? Selon leur secteur d’activités, les travailleur·se·s ont vécu des situations bien différentes : la poursuite des activités dites essentielles pour les un·e·s, le télétravail pour d’autres ou encore le chômage temporaire pour une bonne partie du personnel. Toutefois, ils·elles ont tou·te·s fait face à une même réalité : la quasi-absence de réunions pendant plus de deux mois. Une absence qui peut sembler anecdotique mais qui, dans des entreprises participatives, pourrait mettre à mal tout notre système de gestion participative en démocratie directe.

On pourrait résumer les effets du confinement sur le groupe Terre à quelques chiffres significatifs : 1.053 jours cumulés de fermeture pour les 21 magasins Terre, 1.000 tonnes de vêtements à stocker en attendant de pouvoir les trier ; 322 tonnes de verre collecté en plus en avril dans le Brabant Wallon ; 80 % de chiffre d’affaires en moins chez Co-Terre pour le seul mois d’avril ; 45.000 € de manque à gagner pour Autre Terre en 2020 ; 460 masques en tissu produits et distribués aux sociétés du groupe…

À tous ces chiffres, il faut en ajouter un qui pourrait passer inaperçu parmi les tonnes et les euros, mais dont l’impact est pourtant tout aussi dommageable à nos yeux : 181 heures de réunions qui ne se sont pas tenues entre la mi-mars et la mi-mai. Eh oui, pendant près de deux mois, aucune réunion n’a pu se tenir dans les locaux du groupe Terre.

Ces réunions (de secteur, chiffres et lettres, thématiques, grandes réunions, CA, AG) sont les maillons d’un système de gestion participative en démocratie directe ; elles sont également les outils d’un programme d’éducation permanente des travailleur·se·s du groupe Terre.

Limites des moyens numériques

Vous direz qu’aujourd’hui, avec tous les programmes de visioconférence qui existent, la distance ne devrait pas nous empêcher de nous réunir. C’est vrai : une vingtaine d’heures de réunion se sont tenues en visioconférence… Une vingtaine seulement car tout le monde, au sein du groupe, n’a pas accès à ces moyens numériques. Entre les travailleur·se·s occupés à des activités dites essentielles (comme la collecte des textiles, papier-carton, PMC et verre qui ont continué à fonctionner sans interruption durant tout le confinement), celles·ceux en chômage temporaire et celles·ceux en télétravail, il n’était pas simple de se retrouver pour s’informer et décider ensemble. Lorsque tout est mis en place pour éviter les contacts physiques, comment continuer à gérer collectivement l’entreprise ?

L’assemblée générale est un organe essentiel de notre gestion participative. Réunissant tou·te·s les travailleur·se·s qui le souhaitent, c’est elle qui prend les décisions stratégiques pour l’ensemble du groupe. Une AG était prévue le 8 mai, elle a bien évidemment dû être reportée. Elle s’est finalement tenue le 26 juin, dans des conditions extraordinaires.  Afin de respecter les mesures gouvernementales et pouvoir accueillir la centaine de membres en préservant la distanciation physique, nous avions prévu quatre salles de réunion. Ces quatre salles étaient interconnectées afin que tou·te·s puissent suivre les présentations sur écran, poser des questions, réagir et voter.

Techniquement, tout a bien fonctionné. Mais de l’avis des participant·e·s, la technique a ses limites : si on entendait parfaitement les propos tenus dans une autre salle, on voyait moins bien les visages. Privé·e·s de la richesse du langage non-verbal, certain·e·s participant·e·s ont fini par se sentir plus spectateurs qu’acteurs de cette réunion. Ils·elles ont malgré tout exercé leur rôle de membre en votant pour ou contre les projets présentés à l’AG ce jour-là.

Sans rassemblement, pas de démocratie

Nous espérons évidemment que la situation sanitaire ira en s’améliorant, qu’elle nous permettra bientôt de nous rassembler toutes et tous afin de tenir ces réunions d’informations et de décisions indispensables à une gestion démocratique de l’entreprise. Mais au-delà de ce microcosme de l’entreprise, la question touche à une liberté fondamentale de chaque citoyen·ne : la liberté de se rassembler. Difficile d’imaginer des élections, des débats, des manifestations sans aucun rassemblement… Que deviendrait un monde où cette interdiction de se rassembler deviendrait permanente ?

Nous ne remettons pas en cause la nécessité de contrôler la propagation d’un virus comme celui qui circule en ce moment ; préserver la santé du plus grand nombre est évidemment une priorité. Mais elle ne doit pas nous faire perdre de vue les enjeux démocratiques d’un confinement tel que nous l’avons connu.

Voir aussi

Sur le même thème, nous vous invitons à réécouter le podcast réalisé par SAW-B. William Wauters, Président de Groupe Terre asbl, y explique le fonctionnement du groupe Terre durant le confinement.

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12 March 2020

Les petits déjeuners thématiques, des réunions pour penser plus loin que le bout de notre nez

Vous en connaissez beaucoup des entreprises où les travailleur·se·s se rassemblent pour discuter de questions de société? Où le personnel a l’occasion, pendant ses heures de travail, de s’informer sur les enjeux du monde actuel, de se questionner sur ses représentations, de réfléchir à des comportements citoyens et responsables ? Des entreprises où l’on n’est pas là seulement pour travailler, mais aussi pour participer à un projet de société ? Ne cherchez plus, cette entreprise, c’est le groupe Terre !

Le groupe Terre est surtout connu pour ses activités de récupération, des activités utiles à la société qu’il a développées avant tout afin de créer des emplois stables pour des personnes éloignées des circuits traditionnels de l’emploi. Derrière ce premier objectif, s’en cache un autre encore plus essentiel.

Insertion : former des travailleur·se·s ou des citoyen·ne·s ?

Dans un parcours d’insertion, l’emploi représente certainement une étape essentielle, mais – à nos yeux – pas suffisante. Notre démarche d’insertion vise à former des citoyen·ne·s actif·ve·s, à même de prendre leur place dans le monde. Prendre sa place, cela signifie s’informer, chercher à comprendre le monde dans lequel on vit, s’interroger de manière critique, faire des choix, participer au débat, défendre ses idées, accepter qu’il puisse y avoir d’autres points de vue, respecter les autres, faire valoir ses droits tout en assumant ses devoirs.

Prendre sa place, cela doit pouvoir se faire dans la vie privée, mais également au travail. Il n’y a pas de raison que la démocratie reste à la porte de l’entreprise. Voilà pourquoi les entreprises du groupe Terre fonctionnent selon un système de gestion participative basé sur la démocratie directe. Dans ce système, tou·te·s les travailleur·se·s ont le droit de participer à la gestion de leur entreprise et toutes les décisions importantes se prennent de manière collective.

Mais participer à la gestion d’une entreprise, ce n’est pas facile : cela nécessite des connaissances (savoirs), des capacités (savoir-faire) et des aptitudes (savoir-être). Pour les acquérir, l’ensemble du personnel suit chaque année un programme de 32 heures de formation à la gestion participative, un programme reconnu par le service de l’Éducation permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Ces 32 heures de formation correspondent aux réunions organisées tout au long de l’année au sein des entreprises du groupe. Tout comme c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en participant qu’on apprend à participer. En écoutant les autres, en se confrontant aux chiffres, en donnant son avis, on apprend progressivement à prendre part à la gestion de son entreprise, à connaître les différents lieux d’informations et de décisions du groupe Terre et les questions qui sont traitées dans chacun d’eux.

Ces lieux d’informations et de décisions, nous vous les présentons à tour de rôle. Après l’Assemblée Générale, la Réunion de secteur et la Réunion Chiffres et Lettres, levons aujourd’hui le voile sur la Réunion Thématique.

La réunion thématique, c’est quoi ?

La réunion thématique fait partie des lieux d’informations et de décisions, mais à la différence des autres réunions, on y parle peu du groupe Terre et de ses activités. Le but est d’aborder des questions de société, de s’intéresser au monde qui nous entoure, aux enjeux auxquels le groupe est confronté dans son environnement, de traiter des valeurs qui nous animent. Les sujets abordés sont très divers, toujours en lien avec la charte du groupe Terre, ses missions, ses stratégies ou ses préoccupations du moment. Chaque année, un fil rouge relie entre eux les sujets abordés lors des différentes réunions thématiques.

Il s’agit également d’un moment convivial qui réunit généralement des travailleur·se·s de plusieurs entreprises du groupe, autour d’un café et d’un croissant. Il y a chaque année quatre réunions thématiques d’une heure. Elles se tiennent pendant le temps de travail et sont rémunérées.

Quelques sujets de réunions thématiques

Parmi les thèmes abordés dernièrement lors de ces petits déjeuners, on peut citer les monnaies locales (avec l’exemple du Val’heureux), les inégalités (avec un focus sur le forum économique de Davos, le rapport annuel d’Oxfam et le mouvement des gilets jaunes), le lien entre pauvreté et logement (avec des témoignages de représentants d’ATD Quart Monde et d’Habitat Service).

Dans un groupe d’entreprises qui s’est donné pour slogan « L’entreprise pour vivre dignement », il nous paraissait essentiel de réfléchir au concept de dignité, à son lien avec le travail. Ce micro-trottoir réalisé en préparation d'une réunion thématique avait pour but de lancer la discussion.

Cette année 2020 étant une année d’élections sociales, nous avons décidé de consacrer les réunions thématiques à une réflexion sur notre système de gestion participative en démocratie directe. En proposant des témoignages d’autogestion (comme ce reportage d’Un jour dans l’Info consacré à la fermeture de l’usine Salik en 1978), nous réfléchissons à nos propres pratiques, aux contraintes et aux enjeux de la participation.

Des outils favorisant la participation

Le but d’une réunion thématique, c’est avant tout de permettre à chacun·e de s’exprimer, de se questionner, de s’interroger sur ses représentations. Parfois, on donne quelques éléments d’analyse ou de théorie. On a généralement recours à des techniques d’animation variées, voire ludiques permettant au groupe de construire ensemble la réflexion. Ainsi, certaines réunions proposent un quizz, un blind-test, un portrait chinois, une réflexion en sous-groupes, ou l’utilisation d’un outil comme Mentimeter qui permet aux participant·e·s d’apporter leurs contributions en direct grâce à leur smartphone.

Et une fois la réunion terminée ?

Même si ce n’est pas une généralité, une réunion thématique peut déboucher sur des projets concrets portés par un petit groupe de travailleur·se·s. Par exemple, à la suite d’une réunion thématique sur les initiatives locales dans le domaine de l’agriculture, un potager collectif a vu le jour sur l’un de nos sites de Herstal (lire à ce sujet l’article Groupe Terre : naissance d’un potager collectif, paru dans le Journal Terre n° 158 Égalité, choix, valeurs… Donner du sens aux salaires).

Pour découvrir d’autres lieux d’informations et de décisions du groupe Terre, rendez-vous dans un prochain article.

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